Montre Radiateur
Inspirée de l’esthétique des arts mécaniques, la montre Radiateur évoque à la fois le monde de l’horlogerie et celui de l’automobile. Comme son nom l’indique, cette pièce horlogère reprend, en le réinterprétant, le dessin d’un radiateur automobile et se caractérise par un système novateur de « lames pivotantes formant écran protecteur [de] cadran1Brevet pour une « Montre à lames pivotantes, formant écran protecteur du cadran », n°691.683, déposé par Georges Verger le 10 mars 1930. Paris, Archives de l’INPI. ».
Les calandres du véhicule sont ainsi remplacées par des lames en or blanc, actionnées à l’aide de boutons poussoirs ornés de cabochons d’onyx et placés de part et d’autre d’un boîtier en or jaune, soulignant ainsi le cadran. Les lames de cette calandre se prolongent au-delà du boîtier pour s’enrouler autour d’un cylindre métallique qui dissimule une attache, permettant d’utiliser cette montre en guise de fermoir de sac. Le boîtier de la montre est gainé d’un cuir semblable à celui de la pièce de maroquinerie qu’il est destiné à orner.
L’automobile : iconographie de la modernité
Transpositions littérales d’un radiateur d’automobile, les premières montres-fermoirs à lames pivotantes apparaissent au début de l’année 1931. Elles reproduisent alors avec fidélité le capot d’une automobile Packard. Un peu plus tard, un autre modèle plus dépouillé présentera un nouvel apport technique : un cadran pourvu de « chiffres lumineux ». Après quelques mois, la Maison Van Cleef & Arpels abandonnera ces reproductions de proues automobiles pour n’en conserver que les lignes essentielles et parvenir à une simplification radicale, telle la pièce ici illustrée.
La fascination pour la machine
Durant les premières décennies du XXe siècle, le monde des arts se passionne pour l’esthétique de la machine. De toutes les nouvelles productions industrielles, l’automobile demeure sans conteste pour de nombreux artistes la star de la vie moderne. Largement démocratisée au cours des années 1920, la voiture, avec sa carrosserie aux lignes fluides et ses performances de vitesse, captive. Déjà en 1909, Filippo Tommaso Marinetti faisait l’éloge de l’« automobile de course » qui, « avec son coffre orné de gros tuyaux, tels des serpents à l’haleine explosive » suggérait « une nouvelle beauté : la beauté de la vitesse2Filippo Tommaso Marinetti, « Manifeste du futurisme », Le Figaro, 20 février 1909.. »
La simplification par le mouvement
La progressive simplification formelle de la montre radiateur s’inscrit dans cette nouvelle approche de la beauté. Comme le souligne Jean Fouquet, autre représentant des arts joailliers, « les objets entrevus à 120 à l’heure se déforment et nous apparaissent que par leurs volumes utiles »3Jean Fouquet, « Du bijou », Revue de la Chambre syndicale de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie de Paris et des industries qui s’y rattachent, 1928, p. 15..
L’automobile : l’émancipation féminine
Accessoire qui vient agrémenter le vestiaire féminin, la montre Radiateur, par sa modernité, est à l’image de l’émancipation, toute relative, des femmes après la Première Guerre mondiale. Celles-ci s’affichent désormais en couverture de Vogue à côté d’une automobile Voisin ou posent sous l’objectif de Robert Doisneau au volant d’une Renault Vivasport, tandis que des slogans publicitaires clament : « Une femme moderne ne circule qu’en cabriolet. » L’automobile devient ainsi un marqueur de la modernité tant dans le quotidien des femmes que dans leur toilette.