Solène Taquet
Van Cleef & Arpels surprend par la richesse créative et la singularité des objets et accessoires proposés depuis son installation place Vendôme en 1906. Éléments purement décoratifs ou utilitaires, ils accompagnent le quotidien des clients hommes et femmes, dans leurs intérieurs comme lors de leurs déplacements.
Les Archives de la Maison ainsi que la Collection patrimoniale témoignent de deux grandes typologies : les objets d’art, agrémentés ou non d’une fonction horlogère, et les accessoires joailliers. Les objets créés par Van Cleef & Arpels se caractérisent par leur envergure : ils se contemplent, posés sur des meubles mais ne se mettent pas dans une poche. Dotés de fonctions spécifiques, leurs usages peuvent être familiers ou atypiques comme celui de ce télescope vendu en 19121Livre de débit Van Cleef & Arpels daté du 25 octobre 1912. Archives Van Cleef & Arpels, Paris..
Le Varuna, premier objet de la Collection patrimoniale
Le modèle réduit du yacht Varuna est le plus ancien objet conservé dans la Collection patrimoniale. Commandé en 1906 à l’initiative d’Eugène Higgins2Voir à ce sujet : « Eugene Higgins, Host to Society », The New York Times, 30 juillet 1948, p. 17., figure emblématique de la société new-yorkaise, ce bateau en or émaillé repose sur une mer de jaspe sculpté posée sur un socle d’ébène. Le geste du lapidaire, qui suggère une mer agitée, témoigne d’un souhait particulier de la Maison perceptible dans nombre de ses créations : donner à voir une nature vivante, en perpétuel mouvement. À l’origine électrifiée, la cheminée principale de ce bateau servait de sonnette pour appeler le majordome par simple pression.
Le goût pour les pierres dures
Si les techniques de taille tiennent une place importante dans la réalisation des objets de la Maison, la sélection des gemmes les singularise également. Il en va ainsi de blocs de quartz rose savamment utilisés pour une lampe de chevet de 1930. Taillés en quatre plaques aux contours géométriques, ils ponctuent le couvercle tubulaire de la lampe en laque verte, ainsi que son sommet par un motif circulaire à trois gradins. Uniquement décoratif lorsque la lampe est éteinte, le quartz rose, translucide, permet à la lumière de l’ampoule électrique, une fois allumée et cachée sous le couvercle, de vibrer à travers la matière et ses inclusions, et de diffuser son aura à l’extérieur. Cette lampe de chevet se distingue ainsi par le contraste des couleurs, vert et rose, par leur capacité à renvoyer ou non la lumière, opaque ou translucide, et par l’ingénieux usage des propriétés du minéral.
Ce goût pour les pierres ornementales fera l’objet d’un article en novembre 1934 dans lequel on peut lire : « L’objet d’art [est associé] au plaisir que peut causer l’atmosphère de beauté due aux jolis bibelots décorant un intérieur de goût […], peut-on imaginer de plus beaux cadeaux » que ceux signés Van Cleef & Arpels « uniss[ant] la splendeur naturelle de la matière au travail prodigieux de la main humaine ?3Meerson, « La vogue et le goût des pierres dures », Femina, novembre 1934, p. 17. »
Van Cleef & Arpels a par ailleurs l’occasion de répondre à des commandes spéciales originales comme celle de la Maison d’Hortense. Cette cage précieuse en or jaune, pourvue d’un bassin en lapis-lazuli sculpté et orné de branches de corail, était destinée à abriter une grenouille, probablement celle d’un maharadja. Cet animal était connu pour se positionner différemment sur une échelle au gré des variations thermiques et ainsi donner une idée de la météo4Auguste Duméril (1812-1870), zoologiste, proposait l’idée d’un baromètre vivant lisible à l’aide d’un batracien dans son Catalogue méthodique de la collection des batraciens du Muséum d’histoire naturelle de Paris, en 1963. BNF : https://data. bnf.fr/fr/temp work/ 67b1ea82e6579ba 5c828cc133008c412/..
Les arts de la table
D’autres commandes inhabituelles se retrouvent dans le domaine de la vaisselle de table. Généralement liée à l’orfèvrerie, cette typologie est représentée ponctuellement dans les Archives et la Collection, comme en témoignent un service à œufs de 19095Livre de débit Van Cleef & Arpels daté du 18 septembre 1909. Archives Van Cleef & Arpels, Paris. ou, un autre de 1945, de même qu’une casserole à porridge en or, sans doute un cadeau de naissance. Autre typologie d’objet, à la croisée des accessoires et de l’art de la table, le moussoir à champagne. Élément rétractable, appelé tour à tour touilleur, agitateur, fouet ou encore batteur ou frappe, le moussoir à champagne servait à éclater les bulles pour ceux n’appréciant pas son goût piquant sur la langue. Ornés de gemmes colorées pour certains exemplaires datant des années 1930 notés dans les Archives, le moussoir à champagne sera plus tard réalisé entièrement en or jaune, tel celui conservé dans la Collection.
Les objets qui donnent l’heure
Au sein des objets créés par Van Cleef & Arpels se distinguent ceux agrémentés d’une fonction horlogère. Ils accompagnent le temps qui passe avec élégance et ingéniosité. Proposées aux clients depuis les années 1920, les horloges s’illustrent par leurs pendules mystérieuses6L’innovation de la pendule mystérieuse consiste en un cadran en matière transparente sur lequel sont fixées les aiguilles, ces dernières semblant ainsi être mues sans mécanisme. Cette illusion est permise par un système de disques de cristal tournant, chacun relié à une aiguille, d’une part, et à une crémaillère fixée dans le cadre, d’autre part, afin de joindre le mécanisme dissimulé dans la base., dont l’idée émanerait d’un certain Robert Houdin7https://www. maisondelamagie.fr/1087- robert-houdin-horloger.htm., passionné par « les amusements scientifiques ». Cet intérêt se renouvellera dans les années 1990 avec la création de la pendule Hommage à Galilée8Cette pendule a été vendue 165 000 euros chez Pierre Bergé & Associés le 9 décembre 2002., dont le cadran circulaire est retenu entre les pattes d’un ours en diamants. La complexité de cette horloge mystérieuse réside dans son mécanisme invisible permettant non seulement la complète giration de son motif central mais également sa perpétuelle verticalité. Une lune sculptée dans de la nacre blanche, se détachant sur un ciel étoilé reproduit en lapis-lazuli, vient compléter l’ensemble en apportant une dimension narrative à cette œuvre d’art.
Ornées de fleurs gravées dans du cristal de roche ou d’animaux sertis de pierres colorées, les pendules de table présentent un répertoire iconographique explorant une nature en perpétuel renouvellement. En 1928, les oiseaux au plumage multicolore, figuré en lapis-lazuli, jade et rubis, donnent à lire l’heure grâce au bec de l’un d’entre eux se posant sur un cadran tournant. Quant à ceux perchés sur les créations horlogères des années 1940 et 1950, ils font écho aux broches Inséparables des mêmes années. Posés en couple ou en famille sur des branchages de fleurs Hawaï ou de myosotis, ces oiseaux se parent de saphirs ou de rubis taille cabochon et sont dotés d’ailes déployées scintillantes de diamants.
Les pendules de table mettent également en scène un bestiaire inspiré d’horizons lointains : des singes taillés dans de l’améthyste intense, des ours pavés de diamants dans les années 1920 ou encore des pandas en pierres ornementales contrastées dans les années 1990.
Intérêt renouvelé pour les pierres ornementales et matériaux organiques
L’intérêt pour les minéraux bruts ou les matériaux organiques comme le bois a donné naissance, dans les années 1970, à des presse-papiers incrustés de cadrans horlogers ourlés de fils torsadés d’or jaune. Dans les mêmes années une prestigieuse cliente de la Maison, la cantatrice grecque Maria Callas, achète un chronomètre de marine qu’elle offre à son amie Hélène Rochas, autre illustre cliente de Van Cleef & Arpels. Dans une boîte volumineuse en bois exotique sipo, un cadran inséré dans une demi-sphère est fixé de manière à pouvoir osciller au gré des vagues. Cet étonnant objet marin est aujourd’hui conservé dans la Collection patrimoniale de la Maison.
Les bijoux masculins
Les accessoires proposés par Van Cleef & Arpels se répartissent en plusieurs catégories : ceux liés au vêtement, à la monnaie, à l’écriture, aux usages des fumeurs, à la beauté ou encore à la lecture de l’heure. Au début du siècle, il est de bon ton pour un homme élégant de piquer dans sa cravate ou son foulard une épingle ornée d’un canard en vol, d’une tête de cheval de profil ou plus simplement d’une perle.
Les gilets et vestes des messieurs s’accommodent de petites poches permettant d’y loger des montres à gousset, le plus souvent rondes, retenues à l’aide de fines chaînes. Ces vêtements pouvaient être agrémentés de boutons de gilet ou de plastron et les chemises de boutons de manchettes. Si le port des premiers a disparu, celui des boutons de manchettes perdure encore aujourd’hui.
Tout au long du XXe siècle, ces éléments du vestiaire, le plus souvent masculin, reflètent dans leurs dessins et styles les mouvements artistiques et les modes en usage. Des années 1900 au milieu des années 1930, ces objets discrets sont ornés de déclinaisons de fines plaques aux contours géométriques : ronds, hexagones, octogones ou encore carrés. Ces compositions géométriques, faites de réserve dans le métal et de pierres calibrées, sont profondément inspirées, dans les années 1920, du mouvement Art déco. Boutons de manchette ou de gilet prennent du volume à partir de 1935, lorsque apparaissent les premiers boutons bâtonnet, dont la partie centrale en Serti Mystérieux, saphir ou rubis, est encadrée par deux demi-sphères serties de diamants. L’aristocratie occidentale et les princes indiens en seront particulièrement friands.
Le platine, utilisé en joaillerie, se raréfie à la fin des années 1930 et laisse progressivement place à un plus grand usage de l’or jaune. Ce matériau permet des créations avec davantage de volume et une diversification des formes : bâtonnets godronnés ou boules d’or faisant alterner saphirs et rubis en serti étoilé, ou encore fines torsades de rubans précieux.
Des accessoires de la vie quotidienne
Van Cleef & Arpels signe une grande variété de créations dans le domaine des accessoires liés à la monnaie et à l’écriture. La Maison propose à ses clients de retenir leurs billets de banque à l’aide d’une pince en or ou de ranger leurs chéquiers dans des boîtes-enveloppes appelées blocs chèques, trousse ou Vanarp9Vanarp fait référence à Van, premier terme de Van Cleef, et à la première syllabe du nom Arpels, le tout contracté en un seul mot., en or ou en argent guilloché.
LES PINCES BILLETS
Objets du quotidien pour certains, utilisés pour des occasions spéciales pour d’autres, de nombreux porte-crayons, porte-mines, porte-plumes, crayons puis stylos agrémentent les vitrines de la boutique des années 1910 aux années 2000. Parés de motifs géométriques Art déco dans les années 1920, ces outils d’écriture sont ensuite réalisés en or guilloché, grain d’orge, poli vif ou tressé les années suivantes. La Collection conserve un exemplaire de porte-crayon de 1928 en or jaune et émail dont le corps tubulaire est doté d’un calendrier perpétuel.
Dès le début des années 1950, les dernières pages des catalogues de la Maison offrent à la vente des ensembles mêlant accessoires de beauté pour femmes – pinceau à lèvres ou flacon à parfum –, stylos-plume et porte-cigarettes. Dans un catalogue de 1951, leur décor de fleurs gravées sur de l’or jaune, parfois rehaussé de gemmes, en est le dénominateur commun. En 1954, ces pages dédiées aux accessoires sont accompagnées du texte suivant : « Expression du goût le plus raffiné, “La Boutique” de Van Cleef & Arpels est la solution moderne au problème que porte le choix d’un objet précieux et de bon ton. Ses créations, de prix très étudiés, sont autant de ravissants cadeaux rehaussés d’une prestigieuse signature. »
Ensemble d’accessoires de beauté et d’écriture
Les accessoires destinés aux fumeurs
À partir des années 1920, Van Cleef & Arpels s’illustre également dans les accessoires destinés aux fumeurs : boîtes à cigarettes, porte-cigarette, range-cigares, briquets ou encore cendriers. Ces derniers en particulier évoquent dans leurs décors et formes les courants de l’Art déco et du modernisme. Leurs lignes épurées et stylisées sont mises en valeur par le choix des matériaux utilisés, tels les laques opaques et l’onyx, tandis que les vifs contrastes des couleurs renforcent leur graphisme. En témoigne un cendrier de la Collection, daté d’environ 1929, dont la vasque en agate grise veinée repose sur un large pied superposant des disques de jade et d’agate. Cette base à gradins est soulignée d’un rang de billes de corail orange ponctué de motifs composés de trois bandes d’or jaune.
Également destiné aux fumeurs, un briquet de table de 1950 atteste du goût de Van Cleef & Arpels pour les décors figuratifs évoquant la ville de naissance de la Maison et l’emblème de la place qui accueille sa boutique : la colonne Vendôme.
Les nécessaires des années 1920
Pour accompagner les festivités des Années folles, les accessoires de beauté prennent la forme de poudriers et de nécessaires, appelés vanity cases aux États-Unis. Ces derniers, précieux réticules, sont alors indispensables aux femmes élégantes et modernes. De formes variées, la plupart du temps rectangulaires ou carrées, et de petites dimensions (environ 4 cm de hauteur, par 6 de largeur et 3 de profondeur), ils contiennent les éléments essentiels dont une femme a besoin pour rafraîchir son maquillage en toute occasion : un miroir, un compartiment pour la poudre et un rouge à lèvres. Une montre rétractable peut se lover dans la tranche de la pièce, permettant de lire l’heure avec discrétion.
Quelques exemplaires de la Collection, datés entre 1923 et 1925, présentent des formes cylindriques inspirées des inrō japonais. Ces boîtes rectangulaires à compartiments étagés, portées exclusivement par les hommes japonais, étaient bloquées dans la partie supérieure de la ceinture de leur kimono grâce à un taquet appelé netsuke.
DESSINS DE NÉCESSAIRES
Les décors, sobres ou au contraire luxuriants, des nécessaires signés Van Cleef & Arpels témoignent par ailleurs du goût pour les arts extrême-orientaux ou perses. Surfaces entièrement couvertes de laque noire habillée de quelques diamants taille rose ou paysages lacustres en marqueteries10Issu d’une famille de peintres russes établie en France, Vladimir Makovski (1884-1966) s’est particulièrement illustré dans ces marqueteries de pierres ornementales ou organiques. Inspiré par l’histoire médiévale, les arts chinois, japonais ou perses, cet artiste a œuvré pour de nombreux joailliers durant la période Art déco. de pierres ornementales ou de nacre de différentes couleurs encadrés d’une ligne émaillée, les possibilités pour le joaillier sont infinies. En témoigne un nécessaire en malachite de 1925 orné d’un couvercle figurant une maison sur pilotis abritant des personnages, au bord d’un lac entouré de montagnes. La composition de l’ensemble – avec ses jeux d’asymétrie, de vides et de pleins – rappelle les principes de la peinture de paysage chinoise et japonaise. La polychromie éclatante de certains nécessaires renvoie également aux joyeuses couleurs des décors des Ballets russes, en vogue dans la capitale française à partir de 1909.
La Minaudière
Les façons de vivre évoluent au cours des décennies et les accessoires de mode s’adaptent. Parmi eux, il en est un qui marque particulièrement les années 1930 : la Minaudière.
Minaudière
Celle-ci apparaît à une époque qui voue un culte à la vitesse et reflète les préceptes du fonctionnalisme. Invention phare de l’ère industrielle, l’automobile influence alors fortement la conception des accessoires s’y afférant. Les petits sacs plats des passagers sont considérés comme les ancêtres de nos sacs à main actuels. En dépit du krach boursier de 1929, les années 1930 sont marquées, chez Van Cleef & Arpels, par une intensité de créations et d’innovations techniques. Renée Puissant, fille unique d’Estelle Arpels et Alfred Van Cleef, occupe le rôle de directrice artistique depuis 1926 et forme au cours de la décennie suivante avec René Sim Lacaze, talentueux dessinateur, un duo créatif resté emblématique. À la fin des années 192011Le Salon d’Automne de 1929 introduit, sur 100 m2, le concept de rationalisation de l’espace grâce aux recherches d’artistes majeurs qui s’intéressent à l’équipement intérieur et aux modes d’habitation, parmi eux Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand. et au début des années 1930 perdure une volonté d’allier le beau et le pratique. Prônant un design non seulement esthétique mais utile au service de l’homme, Charlotte Perriand12Charlotte Perriand (1903-1999), diplômée de l’Union centrale des arts décoratifs en 1925, fut, au sein des avant-gardes, une figure majeure de l’architecture, du design et de la photographie française. Rompant avec la tradition et combattant l’académisme, elle défendit l’utilisation de matériaux nouveaux comme le métal. estime qu’il ne faut pas se tromper de sujet : le sujet c’est l’homme et non l’objet. C’est dans ce contexte qu’est déposé le 25 juillet 1933 un premier brevet de Van Cleef & Arpels évoquant une « boîte-nécessaire ». Cet objet sera baptisé « Minaudière » l’année suivante par la Maison13Le mot Minaudière fait écho au nom du château que possèdent depuis les années 1920 Alfred Van Cleef et sa femme Estelle, à Flins-sur-Seine dans les Yvelines, propriété où furent données de nombreuses fêtes.. Puis le 18 janvier 1934, ce terme est déposé pour être protégé.
Une alternative au sac
Favorisant les gestes de la coquetterie, la « boîte à vanités » ou « boîte métallique, nette, nue, sans poignées », telle que décrite dans un article de Vogue France en 1935, est à la fois un objet précieux et fonctionnel. À l’origine de sa conception, Charles Arpels, beau-frère d’Alfred, aurait aperçu une cliente mettre pêle-mêle dans une boîte de Lucky Strike en métal ses multiples fournitures de beauté. Il aurait alors décidé d’offrir à sa prestigieuse cliente une œuvre digne de son statut. Selon les journaux de l’époque, cette création s’illustre dans une « idée nouvelle : celle de remplacer le sac14André de Jonquière, « Le bijou et la mode », Femina, janvier 1933, n.p. ».
Cette forme qui allie deux accessoires (sac et étui à cigarettes) est traduite avec beaucoup d’humour dans le texte et les dessins qui l’accompagnent publiés dans un catalogue de la Maison vers 1933. Au sac est associé le mot « complexité », à la Minaudière « simplicité ».
Faite d’or recouvert de laque noire ou en styptor15Le 18 juin 1932 est déposée la marque « Styptor » no 281292 : nouvel alliage, mis au point par la Maison, de métaux communs moins coûteux (aluminium entre autres). Appartenant à la famille du maillechort, le métal est plus ou moins gris ou jaune selon le pourcentage de nickel et de cuivre. Comme l’osmior, le styptor a été particulièrement utilisé pour la confection de boîtes, de pendules ou de montres-tiroir (une montre-tiroir consiste en un boîtier niché au sein d’un entourage souvent quadrangulaire et muni d’encoches afin d’y faire coulisser un tiroir)., un alliage mis au point pour imiter le platine de manière moins onéreuse, la Minaudière offre une forme solide qui solutionne la « silhouette [disgracieuse d’un sac qui] se déforme et boursouffle » lorsqu’il est trop rempli. De même, l’intérieur compartimenté permet de remédier au « fouillis de ces mille choses dont aucune femme ne consent à se départir ». Cette attention à l’épure, à l’essentiel, s’inscrit dans le courant fonctionnaliste, apparu quelques années plus tôt dans l’architecture et le mobilier. Telle une pièce de puzzle, conçu pour satisfaire les besoins de sa propriétaire, chaque élément trouve sa place : boîte à fard, à poudre, pilulier, rouge à lèvres, rangement pour cigarettes, briquet ou encore carnet de bal et stylo. Un espace long et étroit permet d’y glisser un peigne dont le métal du cadre s’harmonise avec celui de la Minaudière. Quant aux flacons à parfum ou rouges à lèvres, ils cachent parfois une montre dans leur couvercle, tandis qu’un autre cadran horloger se dissimule sur le côté extérieur de la boîte.
PANCARTES D’ATELIER DE MINAUDIÈRES
Porter la Minaudière
La Minaudière se porte tel un livre à la main mais peut également se glisser dans un sac en tissu spécialement réalisé pour elle. Deux anses, l’une se glissant dans l’autre, permettent de porter son luxueux coffret au poignet ou au coude. La surface en tissu de ces sacs rigides sur-mesure peut reprendre en volume ton sur ton les dessins déployés sur le couvercle de la boîte ou présenter des vides aménagés laissant apparaître les motifs joailliers ornant ces mêmes couvercles. C’est le cas d’une Minaudière en styptor de la Collection, créée en 1934, décorée d’un cercle de platine pavé de diamants taille rose et serti de rubis calibrés – véritable trompe-l’œil d’un clip Cercle – rehaussé d’une bande en styptor poli miroir qui se détache du fond guilloché. Le sac en tissu noir qui l’accompagne présente une découpe circulaire qui laisse apparaître le motif.
Les fermoirs-clips et les décors des Minaudières
Rappelant le goût de la Maison pour les ornements transformables, les fermoirs de certaines Minaudières peuvent se détacher pour être portés en broche. C’est le cas de la fleur d’églantine d’une Minaudière de la Collection réalisée en 1938. De nombreuses pancartes d’atelier, spécifiquement dévolues à ces éléments amovibles, témoignent de la créativité de Van Cleef & Arpels en la matière. La Maison emprunte à la mode – avec des enroulements de rubans en platine et diamants –, à la nature – avec une grande variété de fleurs et feuilles –, ou encore aux recherches formelles de l’Art déco favorisant l’épure et la stylisation des motifs.
Minaudière
Les Minaudières des années 1940 présentent sur leur couvercle des décors, que l’on retrouve également à la même époque sur des poudriers et des boîtes à cigarettes, composés de motifs figuratifs – animaux ou personnages –, qui se détachent en volume sur des arrière-plans en or gravé. Figurant des scènes de la nature fourmillant de détails – des canards nageant sur un lac ou des familles d’oiseaux se reposant dans les feuillages d’arbres –, les décors témoignent également du goût pour l’historicisme.
Il en va ainsi de la Minaudière réalisée en 1942, ayant appartenu à la maharani de Baroda, qui reprend en joaillerie le célèbre tableau sur lequel Franz-Xaver Winterhalter peint, en 1855, l’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur, œuvre actuellement conservée au Musée national du Château de Compiègne.
Le Vanarp : Minaudière pour homme
Si la Minaudière est la plupart du temps l’apanage des femmes, il en existe quelques-unes destinées aux hommes. Le kit-kase Vanarp précédemment cité offre différents compartiments accueillant cigarettes, briquet, bloc-notes, stylo, miroir et une sorte de soufflet pour y glisser des papiers. Comme pour la Minaudière, Van Cleef & Arpels communique sur la praticité de l’objet pour le client : « En toutes circonstances, chaque fois qu’il prendra un de ses objets familiers […], il le fera aisément, sans longues recherches. » Accessoire phare des années 1930 et 1940, la Minaudière de Van Cleef & Arpels s’est renouvelée dans les années 1950, 1960 et 1970 afin de proposer des formes inédites, tel un exemplaire polylobé à la façon d’une fleur. Certaines réintroduisent le bois porte-bonheur comme matériau principal.
L’innovation technique et l’esthétique au service du quotidien
Fonctionnels ou décoratifs, les objets précieux Van Cleef & Arpels illustrent décennie après décennie les recherches techniques et stylistiques de la Maison. L’attention portée aux dessins, aux savoir-faire joailliers et à la sélection des gemmes témoignent de la même exigence et du soin apporté aux détails. Inscrits jusqu’à nos jours dans la tradition joaillière de la Maison, les objets précieux et accessoires ont conduit Van Cleef & Arpels à explorer une plus large palette de matières, techniques et savoir-faire au service d’une clientèle d’esthètes.