Montre Cadenas
Parmi les créations emblématiques de la Maison Van Cleef & Arpels, la montre Cadenas tient une place majeure. D’abord appelée montre « agrafe », elle devient montre Cadenas en 1946.
Commercialisée dès 1935, cette montre-bracelet se distingue par son boîtier en forme de prisme à base hexagonale se terminant par une boucle, qui évoque la forme d’un cadenas. Autour de cette anse se glisse le fermoir d’une double chaîne serpent de section circulaire.
Les différentes versions de la montre Cadenas
Éditée dans un premier temps en or jaune, elle connaît par la suite de nombreuses variations chromatiques, notamment grâce à l’introduction, à partir du mois de décembre 1936, d’un pavage de saphirs ou de rubis calibrés. Il faut attendre 1938 pour que le nuancier de pierres précieuses s’étende au diamant, puis à l’émeraude à compter de 1943. Dès 1936, la montre Cadenas s’adapte au goût international pour la joaillerie blanche, en opposant un pavage de brillants à un rang de diamants taille baguette, complété par une chaîne serpent en platine.
Un nouveau rapport à l’objet du quotidien
En transposant pour la première fois la forme d’un objet du quotidien – le cadenas – au boîtier d’une montre, Van Cleef & Arpels témoigne du nouveau rapport à l’objet dans les arts, qui trouvera son plein épanouissement dans les années 1930. Cette démarche de détournement d’un objet, introduite par Marcel Duchamp, en 1914 avec la création de ses premiers ready-made, se retrouve chez les artistes du mouvement Dada, ainsi que chez les surréalistes. La montre Cadenas fait écho au concept de ready-made, tel qu’énoncé par les surréalistes dans leur Dictionnaire abrégé publié en 1938. Il s’agit d’« objets usuels promus à la dignité d’œuvre d’art par le simple choix de l’artiste ». « Les ready-made […] composés par Marcel Duchamp à partir de 1914 constituent les premiers objets surréalistes1André Breton, Paul Éluard, Dictionnaire abrégé du surréalisme, Paris, Galerie Beaux-Arts, 1938. », selon André Breton. Parmi ces objets contemporains de la montre Cadenas, figure le Chapeau escarpin, conçu en 1937 par Elsa Schiaparelli, en collaboration avec Salvador Dalí.
Regarder l’heure à la dérobée
L’originalité de la montre Cadenas répond aussi à l’un des dictats imposés aux élégantes à cette époque : celles-ci doivent être bien au-delà de toute considération du temps qui passe – elles consultent leur montre discrètement, cette dernière étant fixée au revers d’une veste ou se faisant bracelet. Grâce à son cadran tourné vers l’intérieur du poignet et sa ressemblance avec un simple bracelet, la montre Cadenas permet de « regarder l’heure à la dérobée », comme le souligne une publicité de 19362Plaisir de France, juillet 1936, p. 8..