Clip Chardon
Le clip Chardon occupe une place majeure parmi les créations Van Cleef & Arpels de 1937, tant par sa singularité formelle que par ses nombreuses occurrences dans les archives de la Maison, qui témoignent de son succès.
Le clip Chardon est composé d’une demi-sphère en or jaune poli d’où fusent des épines cannelées faites du même métal et rehaussées de rubis ronds en serti griffes. À partir de ce modèle, seront déclinés clips et motifs d’oreilles, en or jaune et diamants ou encore en osmior et saphirs. Outre la simplification formelle de cette pièce, la fleur qu’elle interprète interpelle également. En effet, le chardon se rencontre rarement dans les arts en général. Et si on le retrouve chez les créateurs de l’Art nouveau c’est parce qu’il est un motif peu employé dans les productions artistiques des siècles précédents. Il est intéressant de retrouver cette fleur à l’extrême fin du mouvement Art déco, qui s’opposait profondément aux lignes courbes dites « en coup de fouet » de l’Art nouveau.
La stylisation du motif floral
La forte stylisation de cette fleur des champs évoque les figures composées de volumes géométriques et de cylindres des peintures de Fernand Léger ou de Robert Delaunay. Le vocabulaire de formes issues du monde mécanique – tubes, cônes, sphères… – fait écho aux ombelles du clip Chardon réduits à de simples tiges en or. L’abstraction picturale qui s’impose dans les années 1930 triomphe lors de l’Exposition internationale des arts et des techniques de 1937, à Paris.
Cohabitation de représentations stylisées et réalistes
En 1939, la Maison livre une toute autre interprétation de cette fleur. Cette fois, elle est restituée dans une approche plus réaliste : sa stylisation exacerbée a fait place à une certaine souplesse. En or jaune et or vert, chaque ombelle, ainsi que la tige et la nervure de la feuille apparaissent avec détails et finesse. Un unique rubis vient marquer le cœur de la fleur, la distinguant du bourgeon qui la jouxte. Ces deux visions témoignent de la cohabitation, au cours des années 1930, de la recherche d’une stylisation épurée et d’une attention particulière pour reproduire fidèlement la nature.