Bijou Passe-Partout
Audacieuse association entre une traditionnelle iconographie florale et la fonctionnalité moderniste incarnée par la chaîne Tubogaz, le Passe-Partout renouvelle les codes stylistiques de la joaillerie.
Exemple magistral de la transformabilité bijoutière, cette création décline à partir d’une formule simple une multiplicité de portés. Breveté en 1938, le Passe-Partout est « constitué […] d’un ruban […] flexible du type serpent » ou Tubogaz, et d’une « pince ». Cette dernière comporte « des barrettes limitant des […] canaux » dans lesquelles glissent le ruban ainsi qu’une « série de picots » permettant de l’immobiliser « dans diverses positions et en plusieurs points de la longueur1Brevet pour « Bijou à transformations multiples », n°834.209, déposé par Van Cleef & Arpels le 24 février 1938, Paris, Archives de l’INPI. ».
Cet exemplaire de la collection patrimoniale présente une chaîne Tubogaz en or jaune qui s’achève par un motif pavé de brillants et souligné de rubis calibrés. La pince, permettant la fixation du bijou, est composée de deux corolles de fleurs stylisées. Le cœur de la première offre un dôme de rubis en serti griffes et six saphirs bleus ovales forment les pétales. De même facture, la seconde s’organise autour d’un cœur en saphirs bleus et de pétales en saphirs jaunes. Ces deux motifs floraux se déploient parmi des feuilles d’or jaune, dont le poli et le dessin de la nervure centrale suggèrent volume et galbe. Ils sont également agrémentés de bourgeons simplifiés sous forme de rubis ou de saphirs ronds.
Bijou Passe-Partout
Un bijou aux multiples combinaisons
Cette invention confère « au bijou un très grand nombre d’utilisations ». Le nom même de « Passe-Partout », déposé le 8 mars 19392Dépôt de marque « Passe-partout », n°300123, par Van Cleef & Arpels, 8 mars 1939., souligne le caractère transformable du bijou : « C’est le bijou Passe-Partout ; celui qui permet toutes les combinaisons selon la manière dont on le pose3Femina, avril 1934, p. 29.. »
Si le « ruban [est] passé une seule fois dans la pince […], le bijou forme un collier à double tour […] et l’extrémité [constitue] une sorte de pendentif. » S’il « est passé plusieurs fois dans la pince [il] forme […] un bracelet à plusieurs tours ». Le Tubogaz s’utilise en « ceinture pour la taille » et les clips peuvent être portés seuls. Le Passe-Partout peut aussi devenir un collier d’un seul rang par l’enroulement du ruban en plusieurs boucles retenues par la pince.
Une création historiciste
Clip Bouquet
Le dessin de ces fleurs contraste avec la maille Tubogaz, qui emprunte, elle, au monde industriel, en l’occurrence, au tuyau à gaz. Le Passe-Partout offre une synthèse éloquente entre les préceptes modernistes, qui s’imposent dans les années 1930, et l’émergence d’un courant historiciste. Clôturant une décennie, annonçant la suivante, il est la pièce joaillière choisie pour représenter la Maison à l’Exposition universelle de New York de 1939.